Est ce que le NY Times se fout de notre gueule?

10 commentaires sur “Est ce que le NY Times se fout de notre gueule?”

  1. J’avoue ne pas bien comprendre la question que tu poses. En quoi le New York Times se moquerait-il de nous ?

    En 2000, j’ai monté une SSII spécialisée dans le développement de jeux vidéo. Vers 2000, un dossier du Ministère de la Culture français notait qu’en 1999 (ou 2000, je ne sais plus, je cite de mémoire), il y avait eu plus de fermetures de sociétés dans le domaine de jeux vidéo en France que les 10 années précédentes cumulées. En 2006, suite à un gros impayé d’un important client de ma société, ma société s’est vu contrainte de déposer le bilan et est en cours de liquidation, rejoignant ainsi l’immense cimetière des sociétés de jeux vidéo françaises ayant cessé d’exister.

    A côté, Atari a fermé tous ses studio internes (il reste des studios externes dont la société possède 100 % des parts, mais ils sont mis en vente, pour une part), Ubi Soft a préféré délocaliser au Canada, ou faire sous-traiter en Asie du Sud Est, et parfois dans les pays d’Europe de l’Est. Face à l’empleur du phénomène, il est alors difficile de se dire que les problèmes rencontrés par les sociétés de jeux vidéo françaises soient des cas à traiter chacune séparément.

    En effet, il faut savoir que depuis les années 1970, où le marché des jeux vidéo est né, cette industrie n’a jamais vu son chiffre décroître. En réalité, le chiffre d’affaires au détail n’a cessé de grimper, jusqu’à 30 % par an dans les années 1990. Dans les années 2000, le chiffre d’affaires croît de manière plus mature, aux environs de 5 % par an, et est lié à la maturation du marché. On est encore loin d’être arrivé à saturation : les nouveaux joueurs sont la tranche la plus jeune de la population (les 5-15 ans), et les joueurs, une fois qu’ils ont goûté aux jeux vidéo, abandonnent rarement cet intérêt pour ce type de support de loisirs. Il faudra encore plusieurs décennies pour que les premiers joueurs commencent à partir en masse en maison de retraite !

    Comment cela se fait-il alors que le marché du développement de jeux vidéo se soit cassé la figure et que tant de sociétés ferment ou délocalisent ? La réponse est aussi simpliste que réelle : pour des raisons politiques.

    En effet, alors que la France augmentait le coût de main d’oeuvre (passage aux 35 heures, augmentation du SMIC, etc.) et empêchait toute tentative de flexibilité dans les contrats de travail (comme le CPE, mais il existe d’autres exemples), d’autres pays favorisaient au contraire la création d’emploi.

    En même temps, alors que la monnaie de négociation du jeu vidéo est essentiellement le dollar, l’euro montait en valeur, rendant le développement en France de plus en plus coûteux. J’ai vu moi-même, en l’espace d’un an, perdre jusqu’à 30 % de chiffre d’affaires sur un contrat avec une société américaine.

    Au Canada, les industries de R&D et haute technologie se sont vues octroyer des subventions importantes, le Québec lui-même aidait financièrement les entreprises faisant venir de la main d’oeuvre francophone. Trois de mes amis, voyant leurs emplois supprimés dans le jeux vidéo, ont ainsi émigré au Québec. Ils travaillaient 210 jours environ par an en France ; ils travaillent 240 jours environ au Québec, pour un coût salarial similaire à la France, mais gagnent plus une fois les charges obligatoires déduites. Leur employeur (en l’occurrence une société française, sic) a des salariés qui coûtent moins cher (grâce aux subventions), qui travaillent plus (2 semaines de congés par an, semaines de 40 heures hebdomadaires) et qui n’ont pas de revendications (leur titre de séjour est directement lié à leur contrat de travail actuel, la fin du contrat de travail implique leur retour en France).

    Bref, la France se réveille (avec 5-8 ans de retard, mieux vaut tard que jamais ?), le Ministre de la Culture qui n’avait rien fait jusque-là (rappelons que la taxe appliquée sur les disques durs, les CD et DVD vierges, sensée rémunérer les artistes, n’a jamais été répercutée sur l’industrie du jeu vidéo et ne sert qu’à l’industrie de la musique et du cinéma), semble sensibilisé par un lobby de sociétés « françaises » qui… euh… développement la majorité de leurs titres à l’étranger.

    Je me demande bien ce que le Ministre va faire pour protéger l’industrie du jeu vidéo française. Va-t-il subventionner Vivendi pour l’aider à s’engraisser avec World of Warcraft ? Un jeu vidéo développé exclusivement aux Etats-Unis sur la base d’une licence développée bien avant que Vivendi n’existe (sous ce nom) ou ne rachète Blizzard, son développeur initial… en voici un exemple de jeu « français » à soutenir ! ;-)

  2. kwa c’est une très bonne chose que la France aide l’industrie du jeu vidéo mais la façon dont est tourné l’article est peu flateuse pour la France il me semble ;)

  3. Kwa je trouve ton exposé super interessant ! en effet, je pense aussi que la France se reveille un peu tard. comme tu le soulignes, de nombreuses sociétés ont fermé, et d’autres sont partis au Canada, qui a réussi a motiver les entreprises à venir s’implanter. La France aurait probablement dû se reveiller au moment où elle a vu une majorité d’entreprise s’expatrier.
    mais n’oublions pas qu’il existe quand même encore des studios capables de fournir des choses de qualité, et notamment quand tu parles de MMORPG comme Wow, je ne peux m’empecher de penser aux développeurs de Dofus qui grattent petit à petit des joueurs.

  4. Singapour serait un bon exemple à suivre, ils mettent le paquet depuis un certain moment. Je pense que créer une boite de jeux video ici, c’est un jeu d’enfant…

  5. Moi, je tiens à féliciter kwa pour son commentaire très bien documenté, très bien construit et très agréable à lire. C’est tellement rare actuellement de pouvoir lire un aussi long paragraphe sans faute de syntaxe ou d’orthogrape, je tenais à le souligner.

    Je ferme la parenthèse.

    Comme le disait kwa, Montréal est désormais le plus gros bureau d’Ubi Soft, non seulement pour des raisons de coûts, mais également stratégiques. Ils sont sur le continent américain, le plus gros marché du jeu vidéo et à égale distance de la côte ouest et de l’Europe.
    À propos, il y a des pubs sur tous les murs du métro de Montréal en ce moment, car Ubi Soft embauche… un millier de personnes ! Ils déclarent même vouloir devenir le premier studio de jeux vidéos au monde en 2010.
    Je n’ai jamais vu en France un employeur s’afficher dans le métro pour recruter… Et ce n’est pas près d’arriver. Car dans ce domaine ou de manière plus générale la France a vraiment besoin d’un réveil.

  6. henri, franchement, entre nous, tu t’arrêtes encore à ce genre de petits détails que les petites moqueries américaines ?

    Par ailleurs, quand le Ministre de la Culture défend les spécificités françaises des jeux vidéo (la fameuse « French touch » n’existe que dans les fantasmes de quelques rares Français, en particulier dans le domaine du jeu vidéo), on ne peut que sourire, entre nous, quand il ne s’agit que d’un prétexte pour rajouter des taxes pour défendre essentiellement trois sociétés :

    – Vivendi Games qui fait un tabac avec WoW, un jeu vidéo américano-américain (d’ailleurs, qui peut me citer un studio de VG en France ?) ;

    – Infogrames qui signe ses jeux sous sa marque Atari, une marque américano-américaine et ne possède — si je ne m’abuse — qu’un seul studio en France, après avoir licencié plusieurs milliers de personnes vers 2003 ;

    – Ubi Soft qui délocalise à l’étranger, puisque 1/4 de ses effectifs environ ne sont implantés en France, et dont l’un des principaux actionnaires est l’américain Electronic Arts avec 15 % des parts.

    (A noter la schizophrénie de Vivendi, puisque la société a défendu la fameuse loi anti-piratage de musique sur Internet notamment en faisant interdire (de fait) des logiciels de partage de fichiers P2P tels que BitTorrent, que sa branche jeux vidéo utilise pour distribuer WoW…)

  7. @nelio, certes, la France compte encore des survivants (il y en a bien eu après la grippe espagnole du début du XXe siècle !), le business model du développement de jeux vidéo en France est particulièrement incertain compte tenu du contexte économico-politique que j’ai évoqué plus haut.

    @sylvainman, le marché du jeu vidéo mondial est essentiellement divisé en trois zones :

    – le Japon,
    – l’Amérique du Nord,
    – l’Europe.

    Les autres pays sont rattachés à l’une de ces trois zones en fonction des éditeurs et constructeurs de consoles. Pour la petite histoire, l’Afrique du Sud était rattachée à l’Europe chez Sony, il y a quelques années (je devine que c’est toujours le cas d’ailleurs.)

    A ma connaissance, ces trois zones génèrent chacune un chiffre d’affaires équivalent.

    Pour ce qui est des publicités de recrutement au Canada, il faut savoir qu’Electronic Arts et Ubi Soft ont beaucoup investi pour s’implanter dans ce pays. Pour les anglophones, c’est un pays de choix qui ne subit pas l’inflation des salaires de la Silicon Valey. Pour les francophones, le Québec est un refuge rassurant, car francophone, qui ne les dépayse pas particulièrement.

    Les gros éditeurs enchaînent donc des campagnes publicitaires de recrutement depuis pas mal d’années. Gardons à l’esprit que l’univers du jeu vidéo est un univers du rêve, mais que, contrairement au cinéma, aucun intervenant n’est payé à lui seul des dizaines de millions de dollars par jeu. Aussi, maintenant que le chiffre d’affaires du jeu vidéo a dépassé celui du cinéma, de l’argent, il y en a. Il faut bien le dépenser d’une manière ou d’une autre… Cela étant, cela ne se fait pas dans les salaires : ceux du jeu vidéo, malgré les compétences très pointues exigées, sont très largement inférieures au reste de l’industrie informatique, à diplôme, expérience, niveau d’expertise et de responsabilités équivalents, en particulier en France.

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